Conférence De Gérard CHAUVEAU
Paris, le 7 Janvier 2006
Gérard Chauveau est chercheur à l'INRP (Institut National de Recherche Pédagogique) et au CRESAS (Centre de Recherche sur l’Education Spécialisée et l’Adaptation Scolaire - disparition du CRESAS en 2004)
Les approches différenciées de la lecture
HISTORIQUE
L’inventeur de la méthode globale est Ovide Decroly (médecin, psychologue belge). Il a beaucoup travaillé avec des enfants en grande difficulté socio-familiale ou avec des enfants présentant des troubles sensoriels (sourds). Et il a ensuite transposé ses pratiques sur des enfants réguliers. Vers 1920, il amis au point une méthode globale car il avait constaté l’insuffisance au début du XXème siècle des méthodes syllabiques.
L’apprentissage de la lecture pose des problèmes depuis 120 ans (Jules Ferry) :
Premier exemple : première évaluation faite concernant les performances à la sortie de CP en lecture, faite par Alfred Binet. Vers 1905, « 30% des petits parisiens de 7 ans à la sortie de CP ont un niveau nul en lecture ». A l’heure actuelle, ce pourcentage diminue, même si les difficultés persistent.
Deuxième exemple : 1951, à Paris, seconde enquête sur un indicateur approximatif fait par René Zazzo (psychologue) : le taux de redoublement en CP. 27%, ayant pour cause la mal lecture.
=> Ces deux exemples avec des méthodes syllabiques pures. D’où l’importance de ne pas simplifier et idéologiser ses questions de difficultés en lecture.
RAPPELS DE « NOTIONS de BASE » SUR
Gérard Chauveau a fait porter ses recherches (observations et études expérimentales) sur des apprentis lecteurs de 6 ans qui accèdent au début du savoir lire (notion qu’André Inizan nomme « le tout juste savoir lire »). Ces élèves apprennent à lire ni avec des méthodes globales ni syllabiques.
1. Comment font les enfants qui fonctionnent bien ? les futurs bons lecteurs ?
Tous utilisent le même chemin, c'est-à-dire que dès le début du CP, ils mettent ou commencent à mettre en place les deux techniques de base (octobre)
- domaine grapho-phonique
Le savoir décoder et identifier les mots, c’est la mécanique des mots, la mécanique grapho-phonique. Ils peuvent décomposer un mot en syllabes et pousser l’analyse jusqu’aux lettres (ex : éléphant => [ph] => [f]. ils ont donc des compétences en combinatoires, en assemblage lettres – sons. Ils s’intéressent efficacement aux éléments grapho-phoniques et peuvent mettre ce savoir faire au service du sens. Le décodage, identifier des mots : nous sommes déjà un peu dans le sens.
- domaine du savoir explorer et questionner les textes
- où cela se passe ?
- que font-ils, leur action ?
Comment s’y prennent-ils, ils utilisent un guide de lecture basique : Qui ? Quoi ? Où ? Un travail grammatical découpe la phrase dans ses 3 groupes de sens (S-V-C). Dans le métalangage, c’est le groupe syntaxico-sémantique.
=> Il faut travailler dès Octobre, ces 2 aspects de traiter l’écrit de façon méthodique.
Les recherches récentes dans la didactique permettent de préciser qu’au delà de l’apprentissage de la lecture il y a le lire – écrire. La question de la production d’écrits est aussi importante que le lire. Il faut combiner le lire à l’écrire = capacité d’utiliser l’écrit dans ses différents aspects, dans ses différentes pratiques.
L’enfant est face à 4 objets d’apprentissage :
Le premier : le code :
Le système d’écriture français est alphabétique, il faut comprendre la correspondance lettres – sons.
Le second : l’activité du lecteur :
Le savoir lire, le comportement de lecteur, les opérations mises en jeu lors des activités de lecture.
Le troisième : le savoir écrire :
Les activités de scripteur, être capables de formuler un message, de reformuler dans la langue écrite la langue orale. De fournir un travail de révision, de relecture.
Le quatrième : la pratique, l’usage :
Il doit devenir un lettré, un pratiquant de la culture écrite (littérature enfantine, albums, livres…) comme le souligne Emilia Ferrero « la relation amicale aux activités de lecture ». il doit devenir familier des objets de la culture écrite.
=> La bonne méthode de lecture doit contenir les 4 objets. Le premier a avoir souligné le fait qu’apprendre à lire était apprendre les 4 objets est Célestin Freinet.C’est une activité culturelle, l’enfant s’engage dès 6 ans, dans une pratique culturelle, pratique du livre, de l’album. Ils s’engagent dans cette pratique car ils ont un intérêt pour le sujet, le contenu. L’enfant a un mobile, un but, une motivation, celle de passer un bon moment avec un livre (= objet culturel de l’écrit). Le mobile de l’enfant fait parti de l’activité de lecture. Le support, l’objet culturel en fait aussi parti.
=> Former les enfants en lecture sur les aspects techniques, mais aller aussi au-delà, l’intégrer dans un domaine plus large, en travail méthodique : les activités de lecture sont trop souvent dans du terme à terme (forme sonore et forme écrite). Il faut que l’enfant se questionne sur le texte, sur l’histoire « Qu’a bien voulu dire l’auteur ? Quel message a-t-il voulu raconter ? ».
Quand l’enfant peut reformuler, redire avec ses propres mots le contenu du texte c’est qu’il a compris.
Il faut tenir compte du fait que l’affaire de la lecture ne démarre pas au CP mais bien avant ; surtout depuis les nouveaux programmes 2002, où ils précisent qu’en maternelle il doit y avoir une éducation à l’écrit. Les enfants ont des acquis et des expériences dans le domaine de l’écrit bien avant le CP.
Dans l’histoire de l’enfant apprenti lecteur, le CP c’est la 3ème période et les périodes 1 et 2 c’est la maternelle.
1ère période : période d’expérience à 3 ans, période pendant laquelle l’enfant prend 3 bonnes attitudes :
- Il se fait lire des histoires, dans des livres par un lettré (c’est un plus pour les enfants d’avoir une diversité de lettrés). Quand un enfant a pris ce genre d’habitude c’est un important facteur favorisant de la lecture en CP. L’enfant parle, participe après la lecture. Il faut susciter l’envie , on peut alors parler de lecture partagée.
- Il observe les pratiques des lettrés, les questionne (par exemple les maternelles vont avec des CM en BCD)
- L’habitude de l’imitation, avant de lire pour de vrai, l’enfant adopte le comportement du lecteur ou de l’écriveur. C’est l’amorce des comportements de lecteur-écriveur.
Les méthodes de lecture :
méthode interactive : principe de base, on travaille à partir d’octobre, de manière concomitante l’entraînement au savoir décoder et identifier les mots et la recherche de sens (sémantique), le questionnement du texte.
méthode intégrée ou intégrative : les 4 objets sont étudiés.
- l’adulte qui lit et l’enfant suit la lecture, le mouvement du doigt et discussion autour du livre.
L’écriture partagée :
- dictée à l’adulte.
2ème période : concernent les élèves vers 5-6 ans (GS, début de CP). C’est la période de compréhension, il ne s’agit pas d’installer des savoirs faire, des techniques (période 3) mais de mettre en classe les clés conceptuelles pour apprendre à lire :
- clé linguistique : il doit avoir compris le principe alphabétique, phonographique de notre système d’écriture.
LES QUESTIONS DE L’AUDITOIRE
C’est à l’école de
Il s’agit d’appliquer le principe de base des ZEP en 1981, « donner plus à ceux qui ont moins ».
Il faut des histoires au plus jeunes, proposer des discussions, des rencontres avec des adultes lettrés, les mettre dans des situations d’imitation (faire semblant de lire, écrire et retour de l’adulte)
Toutes les réponses ne se trouvent pas que sur le temps scolaire, amis aussi dans le péri-scolaire avec le coup de Pouce (CP) les goûters lecture (où les familles viennent assister aux lectures par un lettré pour que cela soit repris à la maison)
Le temps joue un rôle important dans la lecture. Depuis 30 ans, Inizan a montré que la question de la réussite en lecture est peut être une affaire de méthodes mais aussi de temps. Il y des variations très importantes entre les différents CP pour le temps consacré au lire-écrire. (De 1 h à + de 2 h 30). En outre, on constate une corrélation très importante entre le temps consacré et les progrès en lire-écrire (surtout en ZEP)
Lire c’est se dire dans sa tête un énoncé verbal produit par un autre personnage. Puis dans un deuxième temps, c’est une activité orale en relecture. Un message passe mieux si on utilise différents canaux.
Une information passe mieux par plusieurs canaux : oral, écrit… et pour être lecteur/compreneur il faut activer ses différents canaux.
La lecture orale, en second plan, a aussi un rôle sur le plan cognitif, nous ne sommes plus dans la lecture pour soi mais pour les autres (lecture communication/transmission/théâtralisée) ; c’est aussi un moyen de renforcement de la compréhension de la mémorisation.
Repérer les difficultés potentielles, les obstacles possibles et mettre en place des moyens de prévention.
Evitons de mettre les enfants dans une situation d’ânonner un texte écrit inconnu d’eux => c’est mettre les enfants en difficulté.
Eviter d’utiliser des manuels de lecture périmés :
- où il n’y a pas de majuscule (car les majuscules sont des éléments indispensables comme les points pour structurer une lecture)
- où on ne présente qu’une forme pour un son comme [o] qu’avec la lettre o (ne pas dire des choses fausses, il faut donner la vérité aux enfants dès le début)
- où les syllabes sont toujours écrites de la même manière avec l’ordre une consonne + 1 voyelle, ce qui donne comme règle implicite pour les enfants è une syllabe = deux lettres soit une consonne + une voyelle et cela génère des fausses représentations et occulte des syllabes à 5 lettres comme train et va favoriser des comportements inadaptés chez certains enfants (ex : peinture qui donne pe – ni – tu –re ou armoire qui donne ra – mo – ri , attention ici pas de dyslexie).
Distinguer les difficultés spécifiques de l’écrit de celles qui sont extérieures et qui perturbent les apprentissages de la lecture.
- Difficultés extérieures : (à ne pas traiter dans les activités de lecture)
- Le langage : de bonnes capacités langagières et linguistiques jouent un rôle important dans la réussite de la lecture – écriture. D’où la priorité à l’oral en maternelle.
- Difficultés liés aux capacités intellectuelles des enfants (même si on refuse d’en parler en ce moment). Certaines formes d’intelligence jour un rôle plus important comme l’intelligence verbale (ex : trouver les similitudes entre deux objets – épreuves classiques de vocabulaire : « qu’est ce qu’une table ? ») ici l’enfant doit utiliser le langage pour parler sur le langage.
- Les enfants avec des troubles de personnalité, difficultés de comportement, difficultés psycho-affectives liées à l’environnement familial.
- Difficultés propres à la lecture :
En fin de CP et en CE1, 15 % de la population d’enfants sont de mauvais lecteurs. Ces enfants n’ont une difficulté mais 4 associés.
- Mauvais décodeur : et plus lent, il faut donc les entraîner, il faut automatiser en CP et au CE1 le décodage.
- Mauvais explorateur : pas les bonnes méthodes de travail, se centre sur chacun des mots pris à la queue leu leu, pêche des mots dans le texte. Ces enfants ont des mauvais scores dans les clôsures. Il faut aussi les exercer à ce type d’activités.
- Difficultés conceptuelles = stratégiques : enfants qui n’ont pas compris la double nature de l’activité de lire à savoir le va et vient « décoder – comprendre ». il faut travailler sur l’explicitation (dialogue)è appel au RASED mais aussi les faire discuter avec de bons lecteurs.
- Difficultés culturelles : ils n’ont toujours pas mis en place de projet de lecteur.
=> Il faut donc agir sur ces 4 points en prévention comme en remédiation.
Document envoyé par Ingrid Le Mercier, enseignante en fromation CAPA-SH option E